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Ce jour-là de Josette Françoise du Rial est l'histoire d'une enseignante, Marie, qui après une enfance marquée par la débâcle de la Seconde guerre mondiale et le retour en 1945 de son père prisonnier des camp allemands, va connaître successivement des rentrées et des vacances scolaires plus ou moins heureuses...

Auto-fiction au charme classique, Ce jour-là est une oeuvre d'easy-reading très agréable, très rafraîchissante qui survole tout de même un demi-siècle d'école laïque, vécue avec le plus grand des dévouements par une narratrice que l'on se plaît à suivre dans ses péripéties intimes.

 

ISBN : 978-2-9529200-8-7
Avril 2008 - 90 pages - 17 × 23 cm - 11,90 € (épuisé)



EXTRAIT : 1


Il faisait beau ce jour-là. Marie s’était installée dans son fauteuil relaxe sur la terrasse. Les oiseaux s’en donnaient à cœur joie. La brise légère lui caressait le visage agréablement. Le ciel bleu la fascinait. Elle abandonna son livre et laissa vagabonder son esprit.

Les enfants parlaient de fêter son anniversaire le week-end suivant. Marie n’en revenait pas de son âge, elle n’avait pas vu passer les années. Les sentait-elle ? Pas vraiment. Mais c’était un fait : elle n’avait plus vingt ans, ni quarante. Cette prise de conscience la rendait un peu nostalgique. Si elle essayait de remonter tout au fond de sa mémoire elle réalisait alors qu’avant le mois de juin 45, c’était le trou noir. Vers l’âge de quatre ans elle avait demandé où était son papa. En Allemagne lui avait-on répondu, mais elle avait compris : « chez Madame Magne. » Voilà ce que lui avait raconté sa mère. Marie songe à ces années dont elle n’a aucun souvenir, excepté qu’on lui avait montré une photo de son père, en militaire, jeune, des cheveux bruns ondulés, de beaux yeux noirs brillants, un bon sourire.Hélas, quand le 13 juin 45 elle le vit, croyait-elle pour la première fois, il ne ressemblait pas du tout à la photo : squelettique, courbé, le teint gris, les yeux cernés, l’air hagard, chauve, il lui fit plutôt peur.

La déception fut telle qu’elle ne saurait comment la dépeindre. Elle était horrifiée. Ce matin-là vers six heures les gendarmes avaient appelé sa mère, sous les fenêtres de sa chambre. Marie avait été réveillée en sursaut, mais cette fois elle avait presque six ans et avait parfaitement entendu : « Votre mari est à Tulle. »

Sa mère avait bondi hors de son lit et ouvert bruyamment les volets. Les gendarmes répétaient toujours la même phrase. Puis ce fut un brouhaha incroyable et sa mère disparut. Marie était restée avec sa grand-mère et les ouvrières dans l’atelier de couture. Toute la matinée elle avait compté les minutes et les heures dans l’attente du miracle tant espéré…

Tout à coup une voiture s’était arrêtée devant la maison. Trois hommes s’en étaient extirpés, mais son père faisait-il partie de ces trois ? Eh bien, oui. Marie pense que personne ne l’a reconnu. Aussi bizarre que cela puisse paraître, elle eut l’impression que ni sa mère ni sa grand-mère ne s’étaient attendues à un tel changement : il apparut très amaigri, hâve, l’air affaibli, l’œil terne, le crâne dégarni… Pourtant les adultes auraient dû se douter, auraient dû savoir qu’il avait eu faim, froid, que les puces et les poux lui avaient fait passer pas mal de nuits blanches au cours de ces six longues années de captivité. Mais en fait les adultes avaient survécu tant bien que mal et essayé de faire survivre les enfants du mieux possible.

Tout cela Marie essayait de l’analyser, maintenant, avec des décennies de recul, mais sur le moment elle reçut la pis des claques de toute sa vie. Et elle ne s’en remit jamais vraiment.

Les semaines et les mois qui suivirent ce retour furent difficiles à vivre. Le père de Marie faisait des cauchemars et hurlait toutes les nuits. Le jour il s’emportait fréquemment pour des broutilles et Marie était effrayée.

C’est sans doute à cette période-là que Marie apprit à lire. Où ? Comment ? Avec qui ? Elle ne le sait pas. Sa cousine germaine, de cinq ans son aînée lui affirme qu’elle lui a appris à lire en lui donnant des bonbons que lui envoyait son père qui travaillait chez Krema. C’est possible…

Ensuite, de six à onze ans elle se souvient avoir été très dissipée à l’école mais a l’impression qu’on ne lui a rien appris, qu’on n’a jamais rien exigé d’elle. Le soir, avant de s’endormir elle se disait qu’elle serait institutrice plus tard, mais que ses élèves seraient obligés de fournir des efforts et qu’elle obtiendrait des résultats. Heureusement pensait-elle, beaucoup plus tard, il y avait eu le catéchisme et l’étude du solfège et du piano.Pour le catéchisme il fallait apprendre pas mal de définitions abstraites par cœur. Marie ne comprenait pas très bien le sens de ce qu’elle apprenait, mais au moins sa mémoire était sollicitée, Dieu merci. L’étude du solfège, les dictées musicales, l’apprentissage du piano lui demandaient de la concentration, de l’application. Elle passait plusieurs heures par semaine chez le professeur de piano. Marie trouvait les séances de piano un peu longues mais maintenant elle bénit le ciel d’avoir dû fournir quelques efforts à un âge où on peut inculquer tellement de connaissances et de mécanismes à un enfant.

Les années passèrent ; Marie joua beaucoup sur le champ de foire, dans les rues du village, dans les bois avoisinants. On lui offrit des patins à roulettes, une bicyclette et même elle disposa du tandem de ses parents. Sur ce tandem elle fit des kilomètres avec une amie d’enfance. Parfois elles avaient des fous rires, surtout dans les côtes, et elles tombaient, mais ne se firent jamais très mal.

Le soir, Marie lisait dans son lit. Elle n’a jamais beaucoup dormi. Sa mère venait plusieurs fois pour qu’elle éteigne la lumière et dorme. Elle a lu tout ce qu’on pouvait se procurer dans les années 46-50, tout ce que sa mère lui proposait. Sans doute a-t-elle appris l’orthographe et le vocabulaire par le biais de ses lectures… Peut-être aussi s’évadait-elle un peu ?…

Et lorsqu’elle fut dans sa onzième année elle passa le concours d’entrée en sixième. Elle fut reçue la première du canton. Mais alors là, Marie se demande comment elle a pu réussir ce concours. Il faut croire que le niveau des candidats n’était pas très élevé.

L’été qui précédait son entrée en sixième, donc le début d’une vie en internat qui dura sept ans, il se passa quelque chose d’inattendu.

Une famille venue de l’Est s’installa dans le village. Il y avait deux enfants de six et onze ans. Les deux étaient blondinets et tranchaient par leur élégance sur les autres gamins du pays. Marie remarqua tout de suite le garçon qui avait son âge. Il était beau, doux, souriant, calme, toujours bien vêtu.

L’école n’était pas mixte, mais elle le contemplait à la messe du dimanche, et au catéchisme, trois fois par semaine.

Un jour elle eut l’occasion de lui parler. Ce fut un choc. Elle se sentit blêmir sous l’effet de l’émotion qu’elle ressentait. Ils n’échangèrent que quelques phrases et en le quittant Marie pensa qu’elle l’aimait, sans le connaître réellement.

Par la suite Marie le guetta, s’arrangea pour emprunter les trajets sur lesquels il flânait à bicyclette. Il l’accueillait toujours gentiment, avec un bon sourire qui la ravissait. Ils faisaient de la bicyclette ensemble sans se dire grand-chose. Puis ils se quittaient parce que leurs parents respectifs les attendaient pour le goûter.Un jour Marie s’enhardit à lui demander s’il partirait en sixième à la prochaine rentrée. Il répondit que non, mais ne donna aucune explication.

Marie était perplexe. Elle réfléchit beaucoup à ce sujet et finit par en déduire qu’il n’était peut-être pas assez bon élève.Personne ne pouvait la renseigner. Il n’était pas très bien vu de se promener avec un garçon, de lui parler, sans être accompagnée de camarades ou de ses frères et sœurs. Ce problème la contrariait et l’obsédait. Alors, à la rentrée, ils seraient séparés, mais elle n’osait pas le lui faire remarquer. Peut-être s’en moquait-il après tout ? Paul (c’était son prénom) n’était pas bavard. Il y eut quelques journées chaudes dans l’été. Marie et ses frères allèrent se baigner mais Paul ne fit pas son apparition au bord du plan d’eau.

Puis la fraîcheur revint, Paul et Marie reprirent leurs balades à bicyclette : Paul était toujours aussi peu loquace. Marie se permit de lui demander où il habitait auparavant et s’il se plaisait maintenant dans cette nouvelle région. Il répondit qu’il n’avait pas encore de copains mais qu’à l’école il s’en ferait sûrement. Marie acquiesça. Elle en profita pour lui redire qu’elle serait pensionnaire à la prochaine rentrée. Il ne broncha pas. Elle ajouta qu’elle reviendrait tous les quinze jours.

La date d’entrée à l’internat arriva très vite. Marie partit s’installer accompagnée de ses parents. On lui désigna son lit, au milieu d’un dortoir d’une quarantaine de places. Marie avait le cœur serré, mais depuis toujours elle savait qu’il fallait être pensionnaire à partir de la sixième si on voulait faire des études. Donc, le choc n’était pas insurmontable. Les repas avaient lieu dans le silence complet. La directrice de l’établissement était du genre sévère et il fallait manger tout ce qui était servi. Marie avait du mal à tout finir mais elle était résignée.

Très rapidement Marie fit la connaissance d’une élève de sixième, fille d’institutrice. Malheureusement cette gamine était demi-pensionnaire. Cependant elles sympathisèrent et devinrent très amies.

Cette amitié aidait Marie à supporter son changement de vie et le fait de ne plus voir Paul.

Au bout de quinze jours elle revint chez elle, comme prévu, mais ne put voir Paul qu’à la messe. À la sortie de la messe elle s’attarda un peu sur la place de l’église mais Paul ne vint pas la retrouver. Alors elle rentra chez elle, déçue.

Les jours, les semaines, les mois passèrent et elle se fit une raison : elle n’intéressait pas Paul apparemment. Ce fut une grosse déception.

Marie noya son désarroi dans le travail. Elle avait du pain sur la planche. Pas mal de devoirs et beaucoup de leçons. Elle fit des efforts considérables surtout pour les leçons qu’elle n’avait pas eu l’habitude d’apprendre.

Les efforts furent payants et à la fin du premier trimestre elle fut classée troisième de la classe. Le premier était un garçon de deux ans plus âgé qu’elle.

En cours d’année son amie devint pensionnaire et elles furent alors inséparables. Elles se voyaient toute la journée mais trouvaient le moyen de parler ensemble jusqu’au milieu de la nuit. Dès que la surveillante avait fermé la porte de sa chambre Paulette rejoignait Marie dans son lit. Là c’étaient des fous rires, des histoires interminables qu’elles se racontaient…

À l’époque ni l’une ni l’autre ne connaissait l’existence de l’homosexualité. Leur amitié était sans équivoque. Cette situation perdura plusieurs années et dans le même temps elles se disputaient la tête de la classe. Les quatre années de collège passèrent très vite. Paulette et Marie travaillaient mais s’amusaient aussi. Le basket leur plaisait beaucoup et elles s’entraînaient à faire des paniers à chaque récréation. Le soir, pendant l’étude, elles demandaient la permission de se rendre aux toilettes et se retrouvaient dans la salle de ping-pong. Le manège dura un certain temps jusqu’au jour où la directrice de l’établissement fut alertée par le bruit des balles. Elles furent sévèrement punies. Mais ces punitions et les réprimandes ne les atteignaient guère. Deux jours plus tard elles inventaient autre chose.

Elles n’étaient pas à cours d’imagination. Elles étaient connues pour leur esprit frondeur mais on ne les mit pas à la porte. Marie connaissait à peine les prénoms des autres pensionnaires qui ne l’intéressaient guère. C’était la même chose pour Paulette.

(à suivre…)

 

 

 

 

 

 

 

 

Dernière modification : 12/08/2014 21h12
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