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Le couloir de Léa de Arnaud Génois est l'histoire d'une jeune fille, sur son lit d'hôpital : Léa. Elle correspond avec un jeune homme qui a la fibre aventureuse et l'envolée lyrique... Quel sera l'avenir de cette liaison pleine de fraîcheur et d'exotisme ?
Fiction au charme classique illustrée par le Rennais Matthieu Chouteau, Le couloir de Léa convient à un jeune public avide de sensations romanesques.
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ISBN : 978-2-9532609-2-2
© Août 2009 - 150 pages - 17 × 23 cm - 15 €
Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication
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EXTRAIT :
Le 10 octobre
Belle brune enjôleuse,
À toi qui as su capter mon attention, être l'objet de mes regards admiratifs, je dédie cette lettre. Grisé par l'excellent vin que tu me servais, je l'avoue je t'ai le temps d'une soirée adorée. Ta posture droite, digne, reflétait dans mon ivresse l'immortalité de ces merveilleuses déesses statufiées qui embellissaient la Grèce de jadis, et ton mouvement si souple me rappelait la vigueur gracieuse des Amazones. Ton corps entier me séduisait. Tes yeux espiègles, je les ai cherchés durant tout mon repas et quand enfin ils m'ont fixé l'espace d'une seconde, j'ai pu figer dans ma mémoire ton visage, sans artifice et presque sauvage. À ce moment, mû par le plus primaire des instincts j'ai saisi ton bras — sans doute t'en souviens-tu — et j'ai voulu t'amener dans cette salle sombre au fond du restaurant, passer mes mains sous ta robe, caresser ta peau hâlée et te posséder quelques instants. Nous allions unir nos êtres dans la plus parfaite harmonie quand mon amie m'a donné un coup de coude jaloux. Je me suis raisonné.
Ainsi notre histoire dès lors qu'elle n'a pas débuté s'achève. Nos corps ne s'étreindront pas dans de suaves instants charnels où le monde n'appartiendrait qu'à nous. Nous ne nous éveillerons jamais ensemble un beau matin de printemps dans des draps froissés du doux souvenir d'une nuit passionnelle et tu pourras espérer longtemps que je t'offre une glace à la fraise à la fête foraine, que je recouvre ton corps entier de baisers humides et pénétrants, que je casse la gueule au premier qui me volera un de tes sourires, cela ne sera pas.
Car tu dois savoir qu'avant même que nos deux personnes aient échangé un seul propos j'ai décidé de te quitter et cette lettre de rupture l'atteste.
Non ne pleure pas, crois-moi c'est préférable. Cette relation ne doit pas être et je le conçois ainsi pour notre bien à tous les deux. Avant que la monotonie chargée de mensonges et de suspicions ne vienne peser sur notre couple et l'entraîner à l'abîme de la jalousie, je pense que nous devons nous dire adieu. Avant que tu ne me reproches de ne plus être celui qui te faisait rêver, avant que je ne sente plus le désir m'assaillir au moindre de tes gestes, à la moindre de tes paroles, et avant que nos cœurs cessent de palpiter avant chacune de nos rencontres comme à nos premiers rendez-vous, je choisis de partir.
Thomas
Le 13 octobre
Thomas,
D'abord j'ai cru être confrontée à un abominable pervers et je me suis surprise à me retourner dans la rue pour voir si je n'étais pas suivie. Mais l'ironie de ta lettre de rupture et tes coordonnées que tu as laissées m'assurent que tu n'es pas un prédateur sexuel sinon un curieux personnage ! Ayant un penchant prononcé pour toute sorte de mystère j'ai bien l'intention de résoudre celui-ci, qui m'amène à te répondre.
Je ne travaille pas dans un restaurant. Je ne suis pas brune. Je n'ai aucun souvenir de cet épisode. Alors pourquoi cette lettre ? Et comment as-tu obtenu mon adresse ?
Le 16 octobre
Léa,
Je ne sais par où commencer. La situation est originale. Je n'y avais pas songé mais il est vrai que ma première approche était plutôt maladroite et pouvait effectivement faire penser à un acte malveillant. Heureusement ta réaction souligne ton sens de l'humour. J'ai hésité bien longtemps avant de te faire parvenir la précédente lettre car comme je ne savais que t'écrire j'ai inventé cette histoire de rupture incompréhensible qui m'est venue lorsque j'ai déjeuné il y a quelques semaines dans un restaurant de Bordeaux. Bref, je me dois de t'expliquer la raison qui me pousse à entrer en contact avec toi.
Nous ne nous connaissons pas, nous n'avons jamais parlé ensemble. Je suis simplement tombé sous le charme de ton écriture envoûtante à l'instant où j'ai lu le poème que tu as écrit pour le journal local. Ces quelques lignes m'ont touché, et depuis je n'ai cessé de ressentir l'envie de te rencontrer. Mais j'ai pris peur ; il est tellement plus facile pour moi d'exprimer mes sentiments à travers l'écriture que je n'aurais su quoi te dire si nous avions eu l'occasion de nous rencontrer. J'ai dû batailler à la rédaction du journal pour qu'on me donne ton adresse. J'ai tellement insisté qu'ils m'ont fait cette faveur.
Ce message ne réclame aucune réponse et n'a aucun but, sinon te faire savoir à quel point ton poème m'a bouleversé et comme je me suis senti concerné. C'est cela la magie des mots…
Thomas
à suivre…