Auteur de Chiens dans la nuit, recueil de 5 récits aussi horribles que palpitants (qu'on retrouve en 2 formats différents : soit en un seul recueil de 290 pages, 14,5 × 21 cm, soit en nouvelle complète et distincte, 10,5 × 14,5 cm ; voir bibliographie plus bas), Stéphane Grangier s'est sérieusement entraîné au préalable, écrivant chroniques et romans pour amuser la galerie ou pour des petits journaux comme L'œil électrique. Notons que le recueil Chiens dans la nuit a été réédité dans une version remastérisée, avec un autre titre (plus vendeur) et (surtout) une autre couverture (plus accrocheuse et moins vilaine), à savoir Droit vers le soleil.
Stéphane Grangier met sa plume au service d'une littérature souvent noire, parfois très drôle et toujours passionnée. La preuve en est : « La vengeance du dindon farci », satire des repas familiaux qui tournent en eau de boudin, et « Critique de la raison pure », sombre travelling qui décrit les difficultés que rencontre dans l'exercice de sa profession un tueur à gages un peu impulsif. Nouvelles parues dans le recueil collectif La vengeance du dindon farci.
Il dédicaça ses ouvrages lors du 5e festival « Rue des Livres », à Rennes, en mars 2012. Il était présent au premier festival du livre de Tréguier (22), « Les chemins littéraires », organisé en septembre 2010.
Stéphane Grangier était présent le 5 mai 2012 à l'espace Beausoleil, à Pont-Péan, au sud de Rennes, à l'occasion du 1er salon Mine de polars, en compagnie d'auteurs tels Yves Tanguy et autres membres de Calibre 35.
Retrouvez S. Grangier sur : Facebook.
Nota bene : On pouvait entendre Stéphane Grangier et Cyrille Cléran dans Du monde au balcon, présentée par Ronan Manuel, sur France Bleu Armorique (103.1) le 16 octobre 2010 à l'occasion de la sortie de Chiens dans la nuit.
Les ondes d'Alternantes ont charrié les propos de Stéphane Grangier dans l'émission de Daniel Raphalen, vous pouvez l'écouter en cliquant là.
Retrouvez Stéphane Grangier sur son blog : Amarrées noires, régulièrement mis à jour avec l'énergie et le mordant mais aussi le lyrisme et le sens du consensus qui le caractérisent. Ou sur stephanegrangier.wordpress.com pour suivre ses joyeuses actualités.
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- Qu'est-ce qui vous a fait ressentir le besoin d'écrire la toute première fois que vous avez écrit une nouvelle ?
Je t’avouerais que c’est un peu loin, maintenant.
En même temps, pour un auteur, 20 ans ça pourrait paraître tard, mais il n’y a aucun modèle et il n’y a certainement pas à en avoir.
Je cumulais des tas de boulots, me cherchant. Je crois que c’est le contact avec un lieu, et certainement des gens : Belle-Île-en-Mer, peut-être, à cette époque, puis de multiples rencontres, dans cette sorte de lieu qui du coup, en devient bizarrement fantasmatique alors que c’était très réel.
Puis, ce fut Rennes.
Certainement le fait de fuir, aussi.
On se dirige parfois dans des directions professionnelles car l’on vous pousse à cela (travail, situation, plus ou moins s’affilier à un schéma d’existence rassurant pour l’entourage).
Un truc bouillonnait en moi, depuis longtemps. Quelque chose qui demandait à sortir. Je pense que je n’ai jamais su que faire de ma vie.
Et j’ai mis du temps à savoir (j’en suis encore là) ce que je ne souhaitais plus faire de ma vie.
Alors j’ai lu, tout, peut-être pour trouver chez d’autres le truc que je sentais à l’intérieur de moi mais dont je n’avais pas clairement idée.
En gros, le sens et le besoin de création, avec une avidité gloutonne.
Pour cela, il me fallut m’isoler et commencer à imiter les auteurs que je dévorais, car j’adorais ce qu’ils écrivaient et la façon dont ils l’écrivaient (des classiques, puis un peu de tout : Hamsun, Miller, Fante, Bukowsky, Victor Pelevine, des Chinois, Japonais, de la littérature noire, Dard (découvert ado), Manchette, Pouy, David Goodis, Ellroy, enfin à peu près tout ce qui me tombait dans les mains).
Dans une bibliothèque, je passais d’une étagère à l’autre, me foutant royalement du fait qu’une pochette fut moche où que le nom de l’auteur fut incompréhensible. Il y avait là comme de l’or et je le savais. Les trois livres par semaine, il m’arrivait de les dévorer en deux jours, après quoi je revenais piller une nouvelle fois la bibliothèque. Il y avait quelque chose de furieux là-dedans, comme l’urgence de se réfugier dans la richesse d’univers qui contrastaient terriblement avec la (ma) morne, ennuyeuse et vide réalité.
Là-dedans, je découvrais la vitalité, la jubilation, la joie, la folie et une totale liberté d’expression qui me redonnait de ce souffle dont mon environnement semblait absolument dépourvu, choisissant parfois un accommodement pratique avec la norme et souhaitant, parce que c’était comme ça, y plier à peu près tout le monde. (Évidemment, au crédit de ces personnes, travail, obligation professionnelle, choix familiaux, que je ne permettrai pas de juger).
En vérité, et je crois que tu l’as compris, c’est un environnement global, longuement prémâché, ressenti, intériorisé, supporté, jusqu’à ce que ça ne soit plus supportable, qui a fait qu’un jour je me suis mis à écrire (peut-être pour en sortir), et non pas un moment, en particulier, ou un livre, ou une seule rencontre.
- Pourquoi préférez-vous écrire des histoires sous forme de nouvelles et non des romans?
Je crois que le format s’est institué de lui-même.
Je ne me posais pas de question, j’écrivais quelque chose et l’histoire s’arrêtait d’elle-même, quelque part quand celle des personnages l’avait décidé ainsi, ou que je sentais qu’il n’y avait rien à rajouter. Peut-être y a-t-il quelque chose de plus agréable et d’instinctif, de frais, direct, écrit dans une sorte d’immédiateté, comme un jet, dans la nouvelle, alors que le roman semble une succession de constructions soigneusement encastrées les unes dans les autres afin de bâtir petit à petit un édifice complet, et crédible.
J’ai écrit deux romans, mais n’ai jamais réussi à en venir à bout, alors je les ai laissés dans un coin, pas finis, mal ficelés, peut-être parce que j’avais la tête ailleurs à ces moments-là et qu’il me fallait écrire vite les choses pour qu’elles ne se cassent pas dans la nature.
Il y a une autre raison, moins poétique.
Pas trop le choix.
Ni vraiment le temps. L’écriture nécessite d’avoir du temps et je n’en avais aucun, puisque j’étais chômeur et tenu d’accepter les boulots qu’on me proposait, parce que « l’écriture n’est pas un métier » qu’on me répétait constamment. « Peut-être, mais c’est pourtant un travail, BORDEL ! », étais-je alors tenté de répondre à ces personnes qui n’auraient accepté cette réponse car elle ne rentrait pas dans le cadre de la sectorisation de l’individu déjà en cours un peu partout à cette époque-là (un truc de productivité et de rentabilité que j’aimais moyennement, car il ne rentrait pas dans mon schéma à moi d’épanouissement par la jubilation, la liberté, le plaisir, en gros, la vie).
Donc, dans ce schéma préétabli où la contrainte posait son gros cul, évidemment, je clochais.
Du fait du manque de temps, alors, le format nouvelle s’est imposé de lui-même.
- Quelles sont les différences entre vos premiers écrits et les derniers ?
J’ai eu plusieurs époques dans ma vie, comme des existences dans cette même existence.
Je ne sais pas exactement la différence.
Aujourd’hui, je recommence à écrire après des années accumulant les boulots pour survivre (comme si je replongeais dans les premiers balbutiements ou, semble-t-il, je repérerais plus facilement le raccourci afin de ne pas m’embourber dans la brousse du n’importe quoi, chose qui fait perdre un temps fou). Je réapprends, car tout est encore et toujours un perpétuel apprentissage (doublé d’une recherche constante d’émerveillement).
À l’origine je crois que j’écrivais en vrac, n’importe comment, à plein de gens, parfois, essayant de me trouver en imitant les auteurs que je lisais, peut-être vivant un peu leurs vies par procuration, comme si j’essayais de m’approprier ces univers mythiques d’où ils venaient et qu’ils racontaient (qu’ils rendaient surtout ainsi par le talent de leur plume), car en moi, tout était plutôt prosaïque.
Désormais, j’essaie d’approfondir, d’affiner, de tailler, peut-être d’être plus précis, m’échinant à rendre le tout construit et cohérent.
Et c’est loin d’être gagné.
- D'où vous vient l'inspiration qui fait naître vos histoires ?
De ce que l’on vit et où on le vit.
Pour moi souvent, ce furent les lieux, qui me marquaient profondément, avec leurs rites, rythmes, personnages, et dont l’atmosphère définit souvent les histoires, comme s’il fut presque logique que, de ce lieu, émane ou éclose un univers donc une possible histoire. Également de la captation par le regard des lieux (comme d’un appareil-photo) puis de cette sorte d’imprimante qui est la mémoire, et qui vous ressort ça bizarrement un jour, alors que vous tâtonnez devant votre page.
Désormais, c’est peut-être plus d’un travail de maturation, peut-être d’un jeu, qu’on s’amuse à faire resurgir en soi.
Quelquefois des mots, eux-mêmes.
Je n’ai jamais beaucoup voyagé, j’ai toujours aimé les univers « intérieurs » des personnages qui parfois se trouvaient liés à un univers cloisonné (intérieur/extérieur) dont ils semblaient invariablement prisonniers et comme cherchant à en sortir. Ou non, d’ailleurs (David Goodis, par exemple, auteur qui suivit le destin de ses propres personnages à Philadelphie).
- Écrivez-vous déjà votre prochaine nouvelle? Et si oui, de quoi parle-t-elle ?
J’écris actuellement un recueil de nouvelles avec ma compagne, Karine Baudot, dans une sorte de ping-pong (idée en partie piquée à Marc Villard et Jean-Bernard Pouy) qui se répondrait par des mots que nous nous amusons à choisir, chose, objet, personnage, lieu, nous obligeant à les utiliser pour définir une sorte de fil rouge entre tous les textes.
En ce moment donc, j’écris sur la vie d’un neurone.
Propos recueillis par Mlle Camille Argence (mars 2012).
Bibliographie aux Éditions de la rue nantaise
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