Du sable pour horizon est une pièce de théâtre de Guillaume Coupechoux mettant en scène un monde dévasté.
Une poignée de survivants s'unit pour lutter contre la violence et le désespoir : Claire, Sam, Hope et sa mère. Sam et Claire, jeune couple d'anciens utopistes, attendent un heureux événement. Symbole de la renaissance de ce monde post-apocalyptique, la grossesse de Claire les a conduits à venir en aide à deux femmes, Hope, adolescente blessée par balle, et sa mère.
Comme son nom l'indique, Hope porte l'espoir, elle jouit d'une vision, d'une prescience, qui lui assure un regard lucide et confiant sur la nature humaine. À cette troupe en fuite vient se joindre Dimitri, un gosse manipulé par un sniper : le « Protecteur ». Qui est ce cruel chasseur de « cafards » qui tue les jeunes filles et épargne les chats ? Sam et les siens pourront-ils lui échapper ? Et peut-être atteindre la mer ?
Sur fond de duels à l'arme à feu, de pitance servie grâce à des collets à rats et de miracles (que vous découvrirez au cours d'une lecture ou d'une soirée au théâtre), Du sable pour horizon revisite le thème de la survie dans un monde en ruines.
ISBN : 978-2-9532609-5-3
60 pages (papier bouffant 90 g)
10 €
Extrait :
Personnages
3 femmes, 5 hommes :
Claire — Jeune femme d'une vingtaine d'années, amie de Sam
Dimitri — Jeune homme en fin d'adolescence
Hope — Jeune fille de 14 ans, fille de Mère de Hope
Sam — Homme, fin de la vingtaine, ami de Claire
Le Protecteur — Homme, la quarantaine
Mère de Hope — Femme, la quarantaine, mère de Hope
Voyou n° 1
Voyou n° 2
Accessoires
Une grande poubelle de ville, une fleur, des détritus, un vieux journal, un fusil, des sacs, un couteau, une chaîne en fer, des conserves, des bouts de bois dont un pouvant servir de canne, des feuilles, un bidon d'essence, un briquet.
Bruitages
Coups de feu.
ACTE I
Scène 1
(Claire, Sam)
Scène quasi vide, une poubelle dans un coin, des détritus sur le sol et une fleur recouverte par un vieux journal. Claire et Sam sont sur scène, debout.
Claire : Je crois que je t’aime.
Sam : Arrête !
Claire : Pourquoi ?
Sam : Ce n’est plus le moment.
Claire : Il n’y a pas de moment pour aimer.
Sam : L’amour, c’est pas fait pour les gens comme nous.
Claire : Peut-être…
Silence.
Claire : Mais…
Sam : Arrête !
Silence.
Claire : La nuit va tomber, le soleil se couche.
Sam : Non, il se lève. Les journées ne finissent jamais, elles commencent à chaque fois.
Claire : Tu crois qu’on pourrait changer les choses ?
Sam : Un homme seul ne peut rien changer, au mieux il mourra plus vite.
Claire : Peu importe alors, je veux mourir plus vite. De toute façon même l’amour n’est pas fait pour nous. Qu’est ce qu’il nous reste ?
Sam : Il ne nous a jamais rien resté vu que nous n’avons jamais rien eu. La vie des gens comme nous est ainsi.
Claire : Tu veux marcher ?
Sam : Oui, j’ai faim. Trouvons à manger.
Claire : Oui, quelque chose de bon.
Sam : Pourquoi de bon ? Tu veux faire ta difficile maintenant ?
Claire : Non, c’est juste que… j’ai envie de quelque chose de bon aujourd’hui.
Sam : Et pourquoi spécialement aujourd’hui ?
Claire : Mon corps en a besoin, je le sens.
Sam : Hmm… le mien aussi.
Claire : Non ! Pas le tien ! Tu comprends rien.
Sam : Tu es bizarre.
Claire : C’est ce que j’essaie de te dire, mais tu comprends rien.
Sam : Oh tiens !
Il montre du doigt une poubelle dans le coin de la scène.
Claire : Tu ne m’écoutes pas.
Sam : Si je t’écoute, mais apparemment je ne te comprends pas. En tout cas, j’écoute mon estomac et je comprends que voilà notre repas.
Claire : J’ai faim aussi.
Claire et Sam fouillent dans la poubelle. Sam en sort quelque chose.
Sam : Je crois que c’est un reste de poisson.
Claire : Ça me rappelle quand j’étais petite. Ça me rappelle ma mer.
Sam : Laquelle ?
Claire : Celle qui peut être calme ou furieuse. Celle qui peut prendre une vie ou…
Claire pleure.
Sam : Arrête de pleurer et mange. Ce n’est pas tous les jours que nous allons manger du poisson.
Claire : À défaut de pouvoir t’aimer, je suis nostalgique.
Sam : Le passé n’est qu’une illusion. Y penser ne sert qu’à faire souffrir.
Claire : Les gens disent qu’il faut se souvenir afin de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Sam : Les gens sont des idiots.
Claire : Pourquoi ?
Sam : Les gens refont sans cesse les mêmes erreurs, à quoi bon qu’ils se souviennent du passé ? Regarde où nous en sommes aujourd’hui. Si le passé servait vraiment, tu serais auprès de ta mer et je ne serais pas en train de fouiller pour trouver de quoi manger. Les gens sont des idiots et le monde est à leur image.
Claire : Je l’entends parfois.
Sam : Je ne l’ai jamais vue.
Claire : Elle est loin maintenant mais parfois je l’entends quand je ferme les yeux.
Sam : Moi quand je ferme les yeux, je ne vois rien.
Claire : Ça dépend des gens ces choses là.
Sam : Arrête de parler et mange.
Claire se lève et se met à l’écart.
Tu es bizarre depuis quelques jours.
Claire : Je sais.
Sam : Qu’est ce qui t’arrive ?
Claire : Je suis lasse et…
Sam : Et quoi ?
Claire : Pour le reste, ça viendra en son temps. Pour le moment, je suis lasse. Je n’arrive ni à être heureuse, ni à être malheureuse. Je me sens comme ce monde.
Sam : L’Homme est responsable et tu es encore trop attachée à nos semblables. Il faut se détacher d’eux, vivre pour toi. Uniquement pour toi, sans rien attendre des autres, car rien n’arrivera, ni bonheur, ni malheur.
Claire : Oh tiens, regarde ! (Claire montre du doigt une fleur.) Cela fait longtemps que je n’en avais pas vu. Regarde.
Sam : Ouais… elle mourra rapidement ici.
Claire : C’est triste.
Sam : Ne dis pas des phrases toutes faites. Les phrases toutes faites ne servent qu’à conserver un semblant de lien entre les gens. Les « bonjour », « merci » et autres « c’est triste » ne servent à rien entre nous. Nous ne sommes pas comme ces moutons bien polis qui ont pour beaucoup sauté à l’unisson du haut de la falaise. La politesse est faite pour les gens qui croient plus aux autres qu’en eux-mêmes. Tu n’es pas comme cela. Tu es meilleure. Vis pour toi.
Claire : Je ne peux pas plus. Je veux vivre pour nous deux… et pour nous trois.
Sam : Pour nous trois ?
Claire : Je crois que je suis enceinte.
Sam : Ce n’est pas possible.
Claire : Si.
Sam : (S’énervant.) Arrête, tu crois que c’est quelque chose à faire ! Regarde autour de nous. (Il shoote dans la poubelle.) C’est la mort ici. On peine à survivre pour nous et avoir un enfant… Non ! C’est inhumain de donner la vie quand on sait que l’on va mourir. Tu ne vas lui donner que la mort et non la vie.
Claire : Je sais… mais je suis enceinte. C’est comme ça.
Sam : Tu veux faire quoi maintenant ?
Claire : Manger.
Sam : Et après ?
Claire : Manger pour lui. Je sens que ça va être un garçon.
à suivre...