Léopold est une fiction de Michelle brieuc.
Résumé : Léopold Villard est dans la mouise. Orphelin élevé par une nourrice dans une cambrousse sordide, mal-aimé, désormais dépressif, névrosé, et employé de bureau ! Esseulé dans une grande ville anonyme, il veut aller voir ailleurs, de manière radicale. Hélas pour lui, qui croyait pouvoir se débarrasser facilement de tous ses problèmes, les vrais comme les faux, son suicide va s’avérer être un nouveau fiasco. Arrivé dans l’au-delà, les épreuves ne font que commencer.
150 pages — 14,5 × 21 cm
ISBN : 978-2-919265-12-1
mai 2011
15 €
Extrait : 1
J’ai tout vu, tout entendu, tout vécu. Enfin, presque. Ce qui du moins m’était accessible, me suffisait, et a constitué le plus gros de ma vie. L’inutilité même. Constat abrupt, peut-être, mais néanmoins objectif. C’est ce qui m’a décidé à y mettre un terme. Oui, c’en était trop, j’avais décidé de décrocher. C’était réfléchi, sans méditation aucune ou du moins laborieuse, impérieuse. Simplement à partir d’un constat j’en avais déduit qu’il y a une fin à tout. Et puis ma fin m’appartenait. Je n’avais pas décidé d’arriver dans ce bas monde, il me fut obligé. Pas de parent, pas de voisinage, pas d’aliénation. J’avais vécu seul, encombré de moi-même, sans disciple autour de moi, avec comme seul horizon, eh bien justement pas d’horizon. J’avais vécu, sans plaisir aucun, aussi m’étais-je dit, « le moment est venu, je me tire ». Révérence sans protocole et sans public.
Mais comment ? La fin tiraille, comme une envie malaisée. Tout cela requerrait quelque stratégie. Sans méthode point de salut.
À ce point de mon histoire, je me souvenais d’une époque où j’avais souffert de problèmes bilieux. Les questions existentielles m’avaient été posées par la gente médicale, sans qu’une réponse physiologique me fût apportée. Non, définitivement je n’avais pas de problèmes avec moi-même, encore moins avec les autres, que j’ignorais à peu près autant qu’eux m’ignoraient. L’échange était équitable. Avec la société je me sentais quitte. Ces douleurs me tenaillaient, je faisais face.
Bien-être, à vrai dire, était un terme médical qui n’avait pas cours chez moi. Je ne peux pas dire que ma vie fut un bien-être. Je ne courais pas après, pourtant il m’arriva de me poser la question : pourquoi n’y avais-je pas droit ? Les codes sans doute. Ah, ces fameux codes ! Il me fallait un stratagème, parce que, attendez, là, on arrive sur terre sans avoir rien demandé, mais quitter cette planète si le départ pour l’au-delà n’est pas prévu, croyez-moi personne n’y a droit ! Coincé, je vous dis ! J’abusais donc de sédatifs, calmants, antianalgésiques, somnifères, décontractants de tout ordre que je n’ingérais point. Et pour cause : je les stockais. La douleur m’accompagnait, mes potions magiques aussi, là, tout près de moi, au cas où.
(à suivre)