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Bruxelles, les études Erasmus, Louise, les estaminets, les jobs d'été, les amis, l'avenir et la vie d'adulte qui se profile... tout est merveilleux, fragile, éphémère, comme un paysage de grande métropole européenne aperçue du haut des toits.


Après un recueil de nouvelles remarquable ( Journal d'un hypocondriaque, 2013), Au rebord des gouttières (préfacé par Wilfried Salomé - 2015) est le premier roman de Sylvain Bertrand publié par les Éditions de la rue nantaise.

 

 

 

264 pages - 10,5 × 14,5 cm - 15 €
Imprimé en Bretagne - Illustration de la couverture : Charlotte Fillonneau, d'après une œuvre de René Magritte © 2015
ISBN : 978-2-919265-49-7



Extrait

I


Je vivais chez ma copine depuis quelques semaines, à Bruxelles, qui elle-même vivait
en colocation avec une amie, l’été était en marche, sûr, l’air encore frais, la douceur
des villes du Nord était réveillée des soupçons de chaleur et les terrasses avaient,
comme à chaque été bruxellois, des airs de Méditerranée, les places s’animaient joyeusement
dès la plus haute ascension du soleil, elles s’arrosaient de rivières de bières, brillaient
des sourires et des tenues légères, nous vivions dans un appartement immense,
excentré du centre de la ville, dans un quartier calme et joli, banlieue douce et métissée
qui gardait comme une vieille poésie les vestiges de sa grandeur passée, elle avait été
la banlieue chic et certains immeubles en gardaient les traces, nous vivions là, l’été
était en marche, Bruxelles était devenue notre repère, j’avais pourtant quitté cette
ville un an auparavant, mais je revenais dès que possible, et cette fois nous nous préparions
à fêter un grand événement, l’anniversaire de la fin du 36, pas celui non moins
glorieux d’un certain Front populaire, mais celui d’une colocation géante, qui se trouvait
l’année passée au 36 rue de Fiennes, dans le quartier d’Anderlecht, à quelques
minutes à pied du centre de Bruxelles, chacun vivait dans son appartement, mais l’immeuble
était un repère d’amis, une sorte de refuge hippie, où les va-et-vient successifs
forgeaient les rencontres, où la tendresse charmait les visiteurs, un antre sauvage
bercé d’amour, chargé de fumée, de vapeurs d’alcool et d’individus en tout genre, un an
à vivre un rêve éveillé, à voyager, à s’apprendre, à se serrer de longues minutes dans
les bras, à comprendre que serrer fort rempli le coeur, à oublier ses convictions et ses
préjugés, c’est là que nous avons fait la connaissance de Sampa, étudiant infirmier,
couvert d’un poncho, s’en allant sur un coup de tête jouer de la flûte dans la rue,
pratiquant le reiki, sorte de massage énergétique, un visage d’une douceur merveilleuse,
au sourire écarquilleur d’yeux, il nous fit faire la connaissance de deux de ses amis
du sud, le premier B. Hill, ma plus grande révélation cette année-là, un barbu, chevelu,
ressemblant un peu à ces ermites japonais, il débarqua un peu avant Noël, l’immeuble
n’avait jamais été aussi rempli, aussi puissamment chargé d’amour, nous nous serrions
tous plusieurs minutes chaque jour, si ce n’est plus, un bonjour pouvait durer plusieurs
dizaines de secondes, un au revoir plus encore, il s’apprêtait à prendre un
avion pour l’Asie du Sud-Est, et nous le laissâmes partir les yeux et le coeur reconnaissants,
vint ensuite un dénommé Djé, je le croisai par hasard en sortant d’un des
appartements pour aller chercher quelques bières et du whisky, nous buvions à forte
dose, et je le découvris un de ces soirs, vers 3 h du matin, allongé avec son sac à dos dans le couloir, dormant d’un oeil, attendant
la venue de son ami, Sampa, il nous fit l’effet d’un excentrique provocateur et j’avais
le plus grand mal à l’aimer, en tout cas à l’aimer autant que les deux autres, il resta
un certain temps au 36, vivait chez Sampa et Liza, une Luxembourgeoise merveilleuse
et pleine de vie, participait au ménage et à la descente des verres, j’appris avec eux les
règles du Yam’s, jeu de dés combleur de temps, il finit par partir au Mexique sur un
coup de tête avec Sampa, j’admirais cette liberté et ce courage, le reste de la troupe et
moi-même décidâmes alors de nous envoler pour la Lettonie quelques jours afin d’étancher
notre soif de voyage pour un moment en tout cas, nous profitions pleinement de
tous les instants, de tout, vivre nous importait plus que tout autre chose, nous buvions
avec entrain, le paki du coin se régalait des recettes que nous lui apportions, l’année se
poursuivit mais un terme est inhérent à toute chose et l’année suivante, alors que des chemins
différents avaient séparé plusieurs d’entre nous, nous décidâmes donc d’organiser cet anniversaire géant, où étaient
conviés tous ceux qui avaient approché de près ou de loin la famille du 36, je vivais
donc chez ma copine et sa coloc également ex 36, la chaleur commençait à envahir les
rues, la ville et ses hauts immeubles étouffaient les vagues rayonnantes de l’astre
jaune, l’appartement était inondé de lumière jusqu’à tard dans la soirée, les invités commençait
d’affluer de partout, du sud de la France, du nord de la France, de Belgique,
de Bretagne, d’ailleurs, Djé était arrivé avant tout le monde, il vivait avec nous dans
l’appartement du Drapeau, un matelas était posé par terre dans le grand salon, dont une
ouverture donnant sur les toits rouges et tordus de Saint-Guidon permettait à la lune, la nuit, de porter jusqu’à notre intérieur ses
reflets argentés, la fête approchait sans que nous nous privions de fêter une semaine à
l’avance les réjouissances à venir, l’alcool pleuvait dans nos gosiers asséchés par le
soleil et l’aridité de la ville étouffée, en terrasse nous buvions des pintes de bières en
quelques gorgées, les whisky-coca descendaient sans plus de peine et fumer nous donnait
l’occasion de reprendre encore et encore des verres pour ne pas aller nous
coucher, ma copine quitta l’appartement vers la fin du mois de juin avant la fête, elle
devait retourner en Bretagne, nous ne vivions plus qu’à trois, Armelle, Djé et moi,
avant que les autres arrivent, nous nous étions un peu laissé aller sur le ménage et la
veille de la sauterie, Djé et moi nous décidâmes de nous lancer dans une grande entreprise
d’assainissement des lieux, en guise de loyer pour deux intrus, ce matin restera
gravé dans ma mémoire comme l’un des matins les plus radieux, j’ouvris les yeux
alors que le soleil brillait haut déjà, il n’avait pas atteint son plus haut sommet,
mais il s’en approchait avec ardeur et la chambre était moite et chaude malgré les
volets fermés, j’ouvris la fenêtre pour laisser passer l’air encombré de pollution, à ma
vue s’offraient néanmoins un parc et ses arbres, ermites verdoyants des plaines
bétonnées, j’avais bu convenablement la veille, sans que cela puisse nuire à mon
réveil, Louise était partie, Armelle assistait à ses derniers cours probablement, Djé
méditait dans le salon, je le rejoignis, je marchais indolemment, mes pieds nus récupéraient
la poussière et les miettes en tout genre sans que cela me gêne, je le regardais,
depuis quelques temps je commençais à comprendre cet étrange et dérangeant personnage,
dérangeant pour le commun, pour celui qui ne se confronte pas, nous avions
passé des moments exquis avec lui et Louise, des soirées entières à nous régaler
d’énigmes, de jeux et de devinettes, lorsqu’il parlait je découvrais dans ses yeux
une malice qui brillait intelligemment, mais une malice ingénieuse, ni moqueuse, ni provocatrice
en réalité, juste parfaitement créatrice, il n’hésitait pas à remettre en cause, je
n’étais pas d’accord avec tous ses raisonnements, loin de là, mais je commençais à sentir
que mon esprit pouvait changer, que je pouvais grandir à le côtoyer, alors ce matin-là
je me postai à côté du méditateur débutant, il se retourna lentement vers moi et me sourit
délicatement comme un fou l’aurait fait, croit-on en tout cas, car ce sourire portait
toute la sincérité qu’on peut y mettre, et toute la douceur qui doit y être, nous déjeunâmes
normalement, d’un café et de quelques tartines, l’odeur des sacs poubelles qui
avaient débuté leur décomposition depuis quelques jours déjà nous dérangeait quelque
peu, la chaleur rajoutait et rendait l’atmosphère nauséabonde, nous nous décidâmes à
les descendre, dans un effort considérable dont nous étions capables, et poursuivant
notre bonne résolution, nous nous entraînâmes dans un ménage complet de l’appartement,
je commençai par la vaisselle, jusqu’à récurer le frigo, les murs gras tachetés et
couverts d’auréoles brunâtres, nous avons mis plusieurs heures à ranger, nettoyer,
dépoussiérer, jeter, récurer avant de pouvoir passer le balai, puis l’aspirateur et enfin la
serpillère, avant d’entamer cette dernière nous avions pris soin d’allumer un pétard,
nous étions tous les deux à la fenêtre du salon, l’air passait mieux, la chaleur était
moins étouffante, le soleil tirait peut-être déjà sur ses 4 heures, nous ne parlions pas
beaucoup, mais je sentais comme un bien-être fluide, comme si l’on m’avait injecté
dans le sang une dose de sérénité et je sentais
ce liquide traverser chacun de mes membres successivement jusqu’à leur
extrémité, nous nous regardions en souriant simplement, il était dans un état similaire au
mien, nous sentions cette fusion, nous nous sentions comme deux frères, deux graines
plantées au soleil, le vent soufflait avec une patience et une douceur toute particulière, le
soleil chauffait comme il fallait notre peau, et mon sourire n’avait jamais eu cette couleur,
je me sentais heureux vraiment, comme jamais auparavant je n’avais ressenti
cette sensation aussi clairement, aussi simplement, une félicité sereine que nous
tentions de conserver en passant la serpillère pétard en bouche et musique colorée en
fond sonore, il avait rajouté au répertoire classique, que nous écoutions constamment
en soirée, des musiques transcendantales et expérimentales, des musiques zen où l’on
entend l’eau qui coule et l’arbre qui siffle, ça donnait une structure sonore à notre bien-
être et pas peu fiers de notre affaire nous nous assîmes confortablement dans le
canapé et mangeâmes un bout avant de terminer le pétard que nous avions laissé
s’éteindre, l’après-midi était parfaite, il était maintenant 5 heures, il faisait plus doux et
le soleil gardait sa teinte jaune, les bars devaient, à cette heure, resplendir, nos amis
devaient commencer à se réunir au 36, puisqu’il restait quelques irréductibles,
Amandine et Erwan, qui devaient d’ailleurs quitter prochainement le sanctuaire, triste
histoire pour chacun d’entre nous qui y avait vu la réalisation d’une vérité, d’une
possibilité, d’une vie commune insouciante et belle, mais nous étions toujours là, Djé et
moi, à nous regarder, à terminer notre bière sous les premières clameurs de notre gosier,
c’est alors que décidés à rejoindre nos amis, nous sommes allés nous laver, avons enfilé
des habits légers et sommes descendus en prenant soin de prendre avec nous le verre
qui encombrait largement l’entrée, dehors il faisait encore bien chaud, nous n’avions pas
fait cent mètres que nous nous sommes arrêtés devant un bistrot, bar à piliers, où se
côtoient les sans-dents et les têtes burinées, les femmes à ventre pendant, les hommes à
l’haleine chargée, deux tables étaient disposées sur le petit trottoir sur lequel donnait le
bar, l’une des tables était occupée par un famille un peu spéciale, le plus vieux portait
une moustache navrante qui lui couvrait une bonne partie de la bouche et des joues, sa
femme avait la même voix que son mari, un jeune couple buvait sans alcool, la fille semblait
être le rejeton du vieux couple et son mec un gendre bien conciliant, mais ma
médisance a ses limites et je dois avouer que malgré leur vulgarité ils sentaient bon,
tout le monde sent bon par ces journées rassérénantes, nous prîmes l’autre table, et je
passais commande de deux pintes fraîches, Djé me dévisageait calmement et je profitai
de cet instant pour lui dire que j’avais apprécié notre véritable rencontre, pas celle
survenue un an plus tôt, mais celle-ci, ces derniers jours m’avaient profondément
changé, un changement que je ne découvris véritablement que bien plus tard mais que je
sentais, une profondeur que je sentais poindre  et cette journée, plus que tout, avait dû
faire germer quelque chose que Djé et tous les autres d’ailleurs avaient plantée discrètement,
sur laquelle ils avaient jeté depuis un an de petites pincées de terres pour fournir
à cette graine tout le terreau nécessaire à son développement, et aujourd’hui je crois
qu’elle a commencé à pousser, enfin je ne lui dis pas cela dans ces termes, je n’avais
conscience que de la sensation pas du résultat, il me dévisageait toujours et je savais
qu’il voulait me tester, provoquer ma sensibilité, il avait réussi à plusieurs reprises
mais je restais pour lui un mystère je crois, nous nous considérions avec estime,
connaissant l’intelligence de l’autre même si la profondeur de son âme nous échappait
encore et toujours, il se mit à parler de l’Homme, ou moi, je ne me souviens plus
bien du commencement de cette discussion que je nomme aujourd’hui, pour ce qu’elle
m’a apporté, agréments initiatiques, je savais, pour avoir déjà eu quelques discussion
sur le sujet avec B. Hill et Sampa et Erwan aussi, que pour eux l’humanité était
bonne, prévue pour l’amour et le bonheur, et j’aimais à cette époque me lancer dans
des débats où j’affirmais que l’Homme était mauvais, qu’il était le seul responsable du
mal qu’il engendrait et de là qu’il ne pouvait être bon, mais cette fois-ci la discussion prit
une autre tournure, ces derniers jours nous avaient permis de nous accepter et
m’avaient appris sans que je m’en rende compte une fois encore l’humilité, nous
nous lançâmes dans une recherche délirante des origines de l’Homme, origines du Bien,
origines du Mal, origines de la société, société créée par l’Homme, les dérives de la
société, l’Homme-amour, toutes ces conneries, nous discutâmes une heure ou plus en
nous écoutant parfaitement pour finir par nous comprendre sur le fait qu’il n’y a pas
de bien ni de mal et que pour cette raison il nous suffit d’enlever leur majuscule,
l’amour est alors aussi une création ou un écho à notre origine même, la fusion des
éléments, nous sommes de ce monde et ressentons comme Amour ce qui n’est que
Bien-être, peut-être, nous ne recherchions finalement pas de réponse, cela n’avait
aucune importance, ce que nous voulions c’était nous jauger, nous comprendre, nous
appréhender, et l’Homme qui veut quitter cette société, qui veut changer, vivre en
dehors d’un monde qu’il trouve vil, en dehors d’un monde mercantile qu’il ne
comprend pas, en dehors d’une négation si frustrante de la nature même, celui-là alors
ne nie-t-il pas aussi sa mission, par égoïsme n’oublie-t-il pas qu’il doit apporter son
effort à la communauté, car sans communauté l’homme est un loup pour l’homme et
qu’irrémédiablement nous retrouverions un état primaire qui nous lancerait dans une
réécriture identique de l’Histoire, plagiat amer de nos erreurs passées, indéfiniment
nous tentions de construire notre pensée, mais la vérité existe-t-elle vraiment,
l’homme alors est-il contraint de s’accorder au reste du monde, pourquoi ne pas vivre
pour soi, tant que pour l’autre cela n’engendre rien de néfaste, vivre sans nuire, mais vivre
selon ses préceptes, nous nous mîmes d’accord sur ce point, tandis qu’à la table voisine
la famille nous écoutait d’une oreille et s’émerveillait des digressions que permettait
la bière que nous buvions, le moustachu nous lança qu’il voulait bien boire la même
chose que nous, à quoi nous répondîmes d’un franc sourire, le jour baissait, mais
doucement, les 7 heures arrivaient, plusieurs personnes jouaient à la pétanque sur
la place en face du bar, nous entendions les boules s’entrechoquer, la tête nous tournait
et la place avait belle allure, les branches et les feuilles des arbres filtraient les rayons du
soleil qui venaient caresser gracieusement le sable du terrain de boules où se mêlaient
vestons marron de vieux Marocains, teeshirts blancs de jeunes débutants, casquettes
et chapeaux, sourires et mains ridées, nous ne reprenions pas notre discussion, nous
avions l’impression d’avoir compris l’autre, Djé me fascinait de plus en plus, il avait des
idées qui lui venaient comme ça, sans prévenir, des lubies, des coups de tête qui l’embarquaient
à l’autre bout du monde, qui lui faisaient payer le billet d’avion à son ami, il
s’était mis plusieurs fois en tête de s’abstenir sexuellement, ou d’arrêter de boire, ce
qu’il a réalisé depuis d’ailleurs, et il nous annonçait ses nouveautés un sourire satisfait
aux lèvres, ses yeux riant sous ses lunettes, nous nous amusions de ces résolutions qui
ne duraient jamais bien longtemps, il tombait amoureux tous les jours, en sortant du
métro avait-il vu une jeune fille blonde qui lui avait souri qu’il s’éprenait d’elle et il
nous apprenait qu’il ne vivrait désormais qu’avec son souvenir, le lendemain il finissait
pourtant par rencontrer une autre demoiselle tout aussi charmante, il se cherchait
et dans sa démarche spirituelle il embarquait les autres, au début je ne l’appréciais
pas pour cette même raison, je n’avais pas compris le sens profond de sa
démarche, je ne l’avais pas encore assimilé à un Diogène des temps modernes, nous
sommes toujours contents d’étudier les Anciens, de glorifier les Socrate mais dès
qu’un énergumène vient perturber notre petite vie bien rangée alors il n’est plus
question de Socrate, ou alors on y met des oui mais, un peu partout des oui mais,
jamais nous n’acceptons d’être dérangés et j’étais bien comme cela, je me souviens de
cette fête de la musique devant le Palais royal, Djé avait 40 euros en poche, il vit un
clochard mendier sur un coin d’herbe à côté des jeunes alcoolisés qui ne se souciaient
guère du pauvre homme, papa et maman payaient la soirée et les bières, pourquoi se
soucier d’un pauvre homme qui est obligé de mendier, c’est indécent, Djé s’approcha
du clochard et lui tendit ses 40 euros puis s’échappa avant d’avoir pu recevoir un
merci, il revint vers nous, personne n’avait vu combien il avait donné, nous ne nous en
souciâmes que plus tard dans la soirée lorsqu’il fallut lui payer des bières et un
durum parce qu’il n’avait plus rien sur lui, je m’emportai contre ce genre de comportement
qui implique les autres, je m’indignai qu’un acte de générosité doive impliquer
d’autres personnes, mais il était comme ça, un jour il vivait à notre crochet, un autre il
payait à manger, à boire et offrait ses services en massages et position de cactus, oui
parce que pour manger à notre table il nous proposa un jour de nous faire le cactus pendant
une minute, ce que nous acceptâmes un peu forcés par la situation, tout ça m’énervait
et m’émerveillait à la fois, il me perturbait et je me sentais vivant d’être perturbé,
mais ce jour-là, jour de mes premiers agréments initiatiques, je compris dans un éclair
de lucidité que tout ceci était subjectif, que l’implication de chacun dans chaque acte
est subjective, elle répond à une imbrication voulue d’événements, que nous sommes
responsables de tout ce qui nous entoure et que l’acte désintéressé de l’un a toujours un
impact sur l’autre et que s’il n’en avait pas peut-être alors n’existerait-il pas, ou peut-être
serait-il rangé aux côtés des actes saints, ce que certains essayent d’atteindre,
il en fait partie, il s’initiait seulement et nous embarquait gentiment dans son aventure,
j’en suis aujourd’hui reconnaissant, nous avons posé notre verre vide sur la
table, nous nous sommes regardés pleins d’amour et de reconnaissance et nous avons
profité de la fraîcheur qui se mêlait aux rayons déclinant du soleil, le temps s’arrêtait,
nous allions rejoindre nos amis pour boire abondamment et nous offrir des câlins, nous profitions pour le moment de nous sentir germer au monde.


à suivre...

 

Dernière modification : 16/03/2015 12h14
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